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Le plat pays |
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S'il existe en France un endroit où Rabelais n'ait pas trempé sa plume dans un
fleuve pour raconter comment s'est érigée une montagne, creusé un sillon ou
fait un sifflet d'un clocher, qu'on le dise! Ce bénédictin, puis médecin,
professeur d'anatomie, curé puis écrivain, a mêlé un peu partout sur la terre
de France facéties et philosophie de la nature à une morale épicurienne qui
depuis le XVlème siècle continue de nous séduire et de nous étonner.
Incomparable, son imagination se devait de donner naissance à ces géants dont
il nous a livré la pittoresque existence en justifiant par leurs actes ou
leurs maladresses la configuration du sol que l'on connaît. Vivant, concret,
virtuose il a construit trois générations de légendaires existences tout au
long de ses cinq livres «pantagruel», «Gargantua», «Le tiers livre», «Le
quart livre» et le «Cinquième livre». Grandgousier,
Gargantua et pantagruel, d'eux trois, c'est Gargantua qui sévit en Beauce. Né
de Grandgousier et de Gargamelle par l'oreille, dans de bien «estranges»
conditions lors d'une partie de campagne de son père, alors que sa mère avait
beaucoup mangé, ri et fait la fête, le nouveau-né réclame déjà à boire. Il
criait tant et si fort qu'on l'entendit dans toute De
ce géant, on prétend qu'il a pissé l'eau de Comment
cela se peut-il? Entre
trois et cinq ans il est élevé selon les préceptes traditionnels mais par la suite est
envoyé à Paris compléter son enseignement auprès de Ponocrates. Il en avait
bien besoin effectivement, si l'on pense que l'ordinaire de Gargantua était,
des plus oisifs. Ponocrates aura donc la lourde tâche de revenir sur ces
levers tardifs, et les recommandations de ses professeurs de théologie qui,
pour «amuser ses esprits» lui avaient préconisé de «se gambader», piaffer et
rouler sur son lit avant que de s'habiller. Ces mêmes précepteurs l'avaient
même élevé dans l'idée qu'il n'était qu'une perte de temps de se laver (et
nous passerons sur les diverses éructations, flatulences, bâillements qu'il
pouvait manifester à l'envie pour se détendre). On aura bien compris que la faille des premiers résidait dans le manque de retenue que l'on doit exiger de ses boyaux et la carence totale de discipline, ce que le deuxième aura pour tâche de radicalement contrer. Mais laissons à ce passage sa saveur qui ne se goûte qu'à sa lecture. |
Voilà donc la raison
impérieuse de cette migration vers Paris. Bien entendu, il ne s’y rend pas par des moyens
dont la banalité aurait étonné dans un tel ouvrage. Il s'y rendit à
dos de jument, et pas n'importe quelle jument, la jument envoyée en présent à
son père par le roi de Numidie lui-même. La bête, débarquée d'Afrique à
Olone, était «grande comme six oriflans, avait les pieds fendus en doigts
comme le cheval de Jules César, les oreilles aussi pendantes comme les
chièvres de Languegoth, et une petite corne au cul.» Mais cette jument, pour
ce qui nous occupe, avait surtout «la queue horrible, car elle était grosse
comme la pile Saint-Mars près de Langès.» Quand Grandgousier la vit, il la
trouva juste à la mesure de sa mission pour porter son fils jusqu'à Paris. Et voilà Gargantua -«après
boire comme entendez»- en route vers «le plat pays». «Ainsi joyeusement
passèrent leur grand chemin jusqu'au-dessus d'Orléans». Mais la nature
n'était pas telle qu'on la connaît aujourd'hui, et pour cause. «Dans ce lieu était une
grande forêt longue de trente-cinq lieux et large de dix-sept environ.
Celle-ci était horriblement fertile et copieuse en mouches bovines et frelons,
de sorte que c'était une vraie briganderie pour les pauvres juments, ânes et chevaux. Mais la
jument de Gargantua vengea honnêtement tous les outrages perpétrés sur les
bêtes de son espèce par un tour duquel ils ne se doutaient pas. Car soudain,
une fois entrée dans la dite forêt, et dès que les frelons lui eurent donné
l'assaut, elle dégaina sa queue et si bien s'escarmouchant les émoucha si
radicalement qu'elle en abattit tout le bois. A tort et à travers, de ci, de
là, par-ci par-là, de long, de large, dessus, dessous, comme un faucheur en
fait de l'herbe, de telle façon qu'il ne resta ni frelons, ni bois, et que
tout le pays fut rendu en campagne. Voyant cela, Gargantua y
prit grand plaisir et dit à ses gens: «Je trouve beau ce !» Donc
fut depuis appelé ce pays |
Les dents
de la Beauce |
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En 1848, on a découvert à
st Prest, dans |
Tiré en partie de l’almanach Beauceron 2010